Nouvel épisode dans ma série d’interviews permettant de découvrir le travail des personnes qui évoluent autour des joueurs et joueuses de tennis sur les circuits WTA et ATP. Après le métier de PR manager, celui d’arbitre de chaise, ou encore celui de kinésithérapeute j’ai décidé pour ce nouvel article de m’intéresser au métier d’entraineur. Souvent oubliées et dans l’ombre de leur joueurs et joueuses, ces personnes effectuent pourtant un travail aussi passionnant qu’important pour aider les athlètes à atteindre leur plein potentiel et délivrer des performances optimales. Et pour en savoir plus sur le métier de coach, je tiens à remercier très chaleureusement Jérôme Adamec d’avoir pris le temps de répondre à mes questions afin de vous faire découvrir son métier. Jérôme Adamec est notamment le coach de Barbora Strycova qui a fait un bond de près de 200 places sous sa houlette pour atteindre le meilleur classement de sa carrière avec une 20ème place à la WTA. Et grâce à lui j’espère que vous allez en apprendre un peu plus sur un métier pas si rêvé que cela 🙂
Bonjour Jérôme, tout d’abord je suppose qu’il y a plusieurs façons de devenir coach de tennis, mais y-a-t-il quelques diplômes ou qualifications clés ?
J´ai un BE (ndlr : Brevet d’Etat) tennis français et une licence STAPS (ndlr : Sciences et techniques des activités physiques et sportives) mais aucun diplôme n´est requis pour être coach de tennis.
Vous voyagez beaucoup, combien de temps passez-vous loin de chez vous ? Et le coach a-t-il son mot à dire lorsque le joueur ou la joueuse établit son calendrier ?
Beaucoup trop 🙂 De l´ordre de 30 semaines à l´année.
Oui! bien sûr, le coach a son mot à dire. En tout cas, dans notre relation avec Barbora on discute régulièrement du planning et prenons les décisions ensemble.
A quoi ressemble la journée typique d’un coach sur le circuit ?
Ce n´est pas si évident que cela de répondre car cela dépend de l´époque, de la fatigue, des blessures, de si le joueur est en tournoi ou non, des conditions de jeu….
Pour donner une idée :
Par exemple et en résumé, si le joueur a plus de 2-3 jours devant lui avant un match :
– Entraînement tennis 2h le matin avec une autre joueuse ou avec moi
– Entraînement tennis l´après-midi d´1h30 avec une joueuse
– 20 à 45 min de travail physique.
– Stretching, massage, bains de glace…. si besoin.
La veille de match, il faut en plus de l´entraînement qui est beaucoup plus « light » juste penser à réserver un warm up avant le match avec une joueuse, laisser les raquettes à corder, booker une voiture pour aller au club…. Il y a pas mal de tâches « simples » de ce genre mais nécessaires. Pour la joueuse, après le match, elle doit en plus de faire tous le processus de récupération être disponible pour répondre éventuellement aux interviews ou pour le contrôle anti-dopage par exemple.
En période de matchs, il y beaucoup d´heure d´attente car on ne peut malheureusement pas savoir dans la majorité des cas à quelle heure on va jouer. Il y a aussi beaucoup de tâches qui sont en relation avec les blessures quotidiennes du joueur, il faut donc les anticiper et les inhiber autant que possible.
Quelles sont les qualités essentielles d’un bon coach de tennis selon vous ?
Cela dépend beaucoup du joueur en fait. C´est pour cela que je dirais qu´il doit être adaptable.
Dans l´absolu, il doit avoir selon moi une bonne connaissance technique. Il doit avoir de l´expérience, c´est à dire avoir passé beaucoup de temps à regarder, observer, enseigner, voyager en tournoi… Plus l´entraineur a eu l´occasion de travailler avec différents joueurs et niveaux plus je trouve qu´il est performant.
Il doit être de capable de reconnaître un problème technique. Puis l´idéal est de résoudre ce problème avec des exercices sans même expliquer ce qu´il ne va pas et modifier la gestuelle par la didactique. Mais ce n´est pas toujours possible. Il faut donc à ce moment-là rentrer dans le dialogue avec le joueur car tout changement ou amélioration amène des peurs au joueur. Le coach doit aussi aider le joueur à trouver son jeu, chose qui est fondamentale pour performer…
Il faut être minimaliste, précis dans ses explications… Le coach doit être ouvert et de mon point de vue essayer de laisser son égo de côté. Il est juste là pour aider son joueur au mieux. S´il peut s´effacer tout en faisant son travail c´est l´idéal je crois. Etre capable de se mettre dans la peau de son joueur est très important aussi. Il y aurait beaucoup à dire….
Vous possédez votre propre académie de tennis sur l’île de Majorque, pouvez-vous en dire quelques mots pour ceux qui n’en ont jamais entendu parler ?
Ce n´est pas une académie. J´ai un cours à la maison à Majorque avec un petit gymnase et beaucoup d´espace pour notamment mettre en place des séances physiques. J´ai toujours fonctionné avec 1 ou 2 joueurs. Par chance, j´ai un excellent préparateur physique (Pere March) qui travaille notamment avec Juan Forcades, l´entraîneur physique qui s´est toujours occupé de Rafa. Pere est aussi une belle personne, humble, très compétent et travailleur. J´ai beaucoup de chance de l´avoir à mes côtés quand je reviens à la maison.
Par chance aussi, ma femme est kiné et nous aide beaucoup pour les pépins physiques. D´ailleurs cette année, elle va voyager quelques semaines pour aider Barbora et pour que je puisse passer plus de temps avec elle 🙂
Seulement, en été, nous organisons avec un ami et entraîneur français, Johann Rousseaux, 1 ou 2 stages avec des joueurs français qui viennent à la maison. Il y a tous les niveaux. On se régale. Il y a une super ambiance et en même temps les jeunes viennent pour apprendre. Ndlr : Pour ceux que cela intéresse, voici le site de Jérôme Adamec http://www.jeromeadamec.com et www.stage-tennis.com
Comment a débuté votre collaboration avec Barbora ?
Je coachais son mari, Jakub Herm-Zahlava il y a plus de 10 ans, qui était classé autour des 200. Il a aussi été l´entraîneur de Barbora de nombreuses années. Il m´a appelé pour l´aider à faire la pré saison en décembre 2012 si je me souviens bien. Ça s´est bien passé. En février 2014, il m´a contacté à nouveau pour la coacher à temps plein. J’en profite pour le remercier de sa confiance envers moi. C´est un gars génial et un très bon coach passionné par ce qu´il fait.
Quel est le secret de sa réussite actuelle ? Elle été l’une des meilleures chez les juniors, mais il semble que ce soit à vos côtés qu’elle exprime désormais pleinement ses capacités au plus haut niveau…
Je ne suis pas sûr que je sois la bonne personne pour parler de mon travail. Je peux juste dire que l´on a fait pas mal de changements techniques. Elle a une meilleure connaissance du tennis, elle comprend aussi mieux ce qu´il se passe sur le terrain et a plus de solutions pour gagner des matchs.
Elle est très douée sur le plan de la coordination. Si elle décide d´apprendre quelque chose elle peut l´acquérir dans certains cas en 5 min alors que j´ai pu passer pour la même chose 3 mois avec un autre joueur. Elle est extrêmement professionnelle aussi.
J’ai plusieurs fois entendu Barbora dire que sa victoire était liée à la tactique que vous aviez mise en place… Est-ce un point auquel vous accordez une importance toute particulière ?
Oui! La tactique pour moi est aussi un point très important. Je passe beaucoup de temps à étudier les adversaires. Je ne rentrerais pas dans les détails mais je dirais que le joueur est celui qui connait le mieux ses propres défauts, problèmes… si je les cerne et que mon joueur a la possibilité de les mettre en exergue alors son adversaire est la première personne à savoir que mon joueur est dans le bon…
Quel est votre regard sur le circuit WTA actuellement ? N’avez-vous pas l’impression que beaucoup (trop) de joueuses développent le même style de jeu, et que le jeu au filet et les variations de rythme se perdent ?
Je suis le premier à désirer que mon joueur sache faire tous les coups possibles du tennis pour être adaptable mais tout le monde n´est pas non plus Federer… Je pense aussi qu´il est plus dur pour les filles d´avoir plus de variété dans leur jeu tout simplement car elles ont moins de forces physiques.
Par exemple, le manque de force fait qu´une joueuse peut difficilement bouger de façon rapide une raquette lourde pour donner du spin et du poids à la balle, en tout cas moins qu´un homme. Ça emmène les joueuses à développer et favoriser un jeu d´attaque un peu « stéréotypé » car elles peuvent plus souvent que les hommes taper la balle à bon niveau et près de leur ligne.
Peu de fille sont capables d´exécuter un slice sur une balle liftée haute en revers par exemple. Sur le plan de la coordination, elles le sont, bien évidemment, mais le manque de force amène une limite dans la variété de leurs coups.
Ceci dit je pense que c´est un avantage de pousser les joueuses, dès leur plus jeune âge, à travailler le slice, savoir lifter, prendre la balle tôt, être capable de trouver des zones courtes croisées, de monter au filet… Par le travail il est possible d´apprendre beaucoup de choses.
Et pour finir, coach de tennis, diriez-vous que c’est un métier de rêve ?
Coach de tennis n´est pas du tout un métier de rêve. Il y a des bons moments mais plein d´autres que je déteste comme par exemple toutes ces heures de voyage en avion. Je suis loin de ma maison, ma femme, mes amis… Il y a des détails que je dois passer mais en résumé le travail est plus dur qu´il n´y paraît. Je ne me plains pas non plus, le tennis est à la base une de mes passions.
Très bon article sur le métier de coach, de la recherche, questions et réponses pertinentes
Bravo
Merci beaucoup !
Excellent article. Ça nous permet de mieux connaitre ce métier et qui est loin d’être simple…